Le journal d'un vieux gentilhomme, Guillaume de Chalendar de la Motte

(6 octobre 1583- 28 octobre 1597)


Le dernier Livre de Raison de Guillaume de Chalendar de la Motte , rédigé d'octobre 1583 à octobre 1597, est parvenu jusqu'à nous. Il est intitulé "Continuation des affaires de ma Maison", et retrace les événements familiaux et domestiques. Ce journal nous apporte non seulement d'importants renseignements généalogiques, mais nous présente également un tableau de la vie d'une famille noble en Vivarais à la fin du XVIè siècle.


Situation
Extraits du Livre de Raison


Situation


Guillaume de Chalendar de la Motte, fils aîné d'Aymé de Chalendar, seigneur de Vinezac et syndic du Vivarais, et de Marguerite de la Motte, est né en 1513.
Il a un frère, Claude, qui est pourvu du Prieuré de la Baume et est surnommé le Commandeur.

En succession de son père, il est syndic du Vivarais de 1543 à 1565. Puis, il devient syndic général du Languedoc jusqu'en 1597. Depuis 1575, et jusqu'en 1592, il est suppléé dans cette charge par son fils aîné, Pierre.

Il épousa Catherine de Ponhet, de Villeneuve de Berg, dont il eu 7 enfants (5 fils et 2 filles) :
    - Pierre, seigneur de la Motte et de Vinezac, qui sera l'héritier de la maison et supplée son père à la charge de syndic général du Languedoc depuis 1575,
    - Noël, Antoine et Jean, qui doivent tous trois entrer dans les ordres,
    - Olivier, le plus jeune, encore enfant, qui sera cadet dans un régiment,
    - Françoise, l'aînée des filles, qui s'est récemment mariée à Guillaume Rivière, docteur es droit, juge du duché de Joyeuse et de la ville de Largentière,
    - Anne, la fille cadette, qui s'établira bientôt.


Conformément à sa condition, il a un état de maison assez conséquent : Outre les propriétés de Vinezac, où le four banal lui appartient comme seigneur, il possède des domaines en divers lieux.
Sa femme, Catherine de Ponhet, se rend tous les ans à Villeneuve de Berg, où elle possède des domaines et des maisons.
Des bénéfices sont attribués aux fils qui ne résident pas au château. Ceux-ci les afferment à un tiers, chargé lui-même de les faire desservir par un prêtre. Tels sont les Prieurés de la Beaume, de Sablière, d'Assions et de Saint-Pons.

Ce Livre de Raison, intitulé "Continuation des affaires de ma Maison", débute le 6 octobre 1583, alors qu'il est âgé de 70 ans.


Extraits du Livre de Raison

06-10-1583
Départ de trois de ses fils :
- Noël, pour poursuivre ses études de théologie à Paris
- Jean, pour suivre un cours de philosophie à Tournon
- Pierre, pour s'occuper de divers procès à Nimes

29-07-1584
Mariage civil de son fils Pierre avec Loyse du Roure
Le 29è de juillet 1584, fut contracté mariage à Vans, au chasteau du seigneur du Roure et de Grisac, entre mon fils, Pierre de la Motte d'une part et demoyselle Loyse du Roure, fille ainée dudit seigneur baron de l'autre, à laquelle par ledit seigneur son père, fut constituée la somme de 3 000 écus de dot payables à savoir le jour de la solemnisation du mariage, 2 000 comptant et 500 livres pour employer en robbes. Le mariage a été reçu par Me François Belledent, notayre du lieu de Chassiers et par Me Rourette, notayre de Groupière habitant de Vans en Vivarais.
Où il y avait une grande et honorable compagnie entre lesquels étaient :
le seigneur viscomte de Portes,
Messieurs des Vans, de St Privat, de Braïc,
deux des filles de Monsieur de St Florent,
Messieurs de Laugières, de Malarce, son frère.
de Montréal, de Sanilhac, son fils,
de Rozilhe, de Chaussy, conseiller du Roux, son fils André.
le seigneur de St Jean,
M. François de Chambaud, capitaine Benoyst de Bays.
le seigneur de Chauzon du Prat,
le juge Rivière, lieutenant Almel, capitaine Largaud,
mon frère le Commandeur et autres.
Dieu les fasse vivre en paix bonne et sincère amitié.

Loyse du Roure est la fille aînée d'Antoine de Grimoard de Beauvoir (seigneur du Roure, baron des Vans et de Grisac, lieutenant de la Garde écossaise, capitaine de 100 hommes d'armes, chevalier de l'ordre du Roi depuis 1572) et de Claudine de la Fare Monclar.
Le mariage a lieu au château du père de la mariée, à Vans. Il est enregistré par Me François Belledent, notaire de Chassiers, et Me Rourette, notaire de Groupière .
La nouvelle épouse apporte une dot de 3 000 écus, payables le jour de la  cérémonie religieuse (somme assez importante pour l'époque).
Les assistants de la cérémonie étaient les représentants des familles nobles des Vans et de la contrée.

15-09-1584
Mariage religieux de son fils Pierre avec Loyse du Roure
Le 15è septembre 1584, Pierre de Lamote, mon fils ainé, syndic du Languedoc espousa demoyselle Loyse du Roure, fille du Baron des Vans et de Grisac, en l'église parocchielle dudit Vans, environ l'aube du jour, sans assemblée de parents communs pour éviter et fouyr aux charmes et magies desquels on faict aujourd'hui ordinaire. Les espousailles furent données par mon frère de Lamote, Prieur de la Baume. Dieu leur fasse la grace de vivre en paix, union, concorde, et loyauté, ad longos annos.
Ce mariage, célébré par le Commandeur, a lieu en l'église de Vans, à l'aube, dans la plus stricte intimité.
En effet, on croyait aux maléfices, au mauvais oeil, de sorte que l'on se mariait entre minuit et une heure du matin, à la dérobée, sans que personne ne le sache. Ainsi, on échappait aux gens mal intentionnés, aux jaloux, qui ne manquaient pas de se rendre aux cérémonies nuptiales pour jeter un sort aux époux, rendre les unions stériles, jeter un germe de désunion dans le nouveau ménage.
Cette coutume est depuis longtemps tombée en désuétude, mais subsisterait, parait-il, dans quelques villes du Midi de la France.

30-09-1584
Introduction de la confrérie des Pénitents bleus de Chassiers
Le pénultième jour de septembre 1584, en la chapelle de St Benoit du lieu de Chassiers, diocède de Viviers, fust commencée l'introduction de la Confrérie des Pénitents bleus du lieu de Chassiers, suyvant la permission du seigneur, evêque de Viviers, et le lendemain, jour de la saint Gérosme, fust faict le service de lad chapelle assistants comme confrayres les seigneurs de Laugières, de Malarce, de Lavernade, de Larnas, prieur de Ribes, de Lamote, son frère le Commandeur, ses enfants de Lamote : Pierre Anthoyne, Jean, Olivier, capitaine Largaud, Christol du Puy, Pierre du Four et divers autres.
Où le service fut honorablement faict, officiant ledit Commandeur de Lamote, avec chapelle de fort bonne musique, receus tous lesdits confrayres par Monsieur le docteur de la Vigne, et à l'issue de ladite messe furent eslus, pour Recteur le seigneur de Laugières, et en on absence le Commandeur de Lamote, et pour sacristain messire Anthoyne de Lamote prieur d'Assions en Vivarais.
Et le lendemain, après avoir célébré l'office de trepassés et la sainte messe par ledit Prieur d'Assions, fut ordonné qu'il y aurait un receveur pour recepvoir l'imposition de ce qui serait imposé pour l'entretement de la luminayre, où fut advisé que le moindre payrait 5 sols par an, et ceux qui seraient de plus grand pouvoir deux testons, et fut esleu pour en faire le recepte par mandement dudit Recteur ou en son absence ledit sieur Christol du Puy.

La confrérie des Pénitents bleus étaient destinés à remplacer celle des Pénitents blancs que les guerres de religion avaient fait disparaître.
Cette fondation avait été autorisée le 20-02-1584 par Jean de l'Hostel, évêque de Viviers.
Les Pénitents étaient des laïcs, qui, revêtus d'une robe et d'un capuchon, ou d'une cagoule, assistaient aux offices et, parfois, formaient des processions durant lesquelles ils se flagellaient publiquement. On les désignaient de ce fait sous le terme de "battus". Par ces pratiques, et l'union de leurs prières, ils espéraient désarmer la colère céleste dans ces temps de calamité publique (pillage de Chassiers et Vinezac en 1572 et 1581 par les huguenots, terrible famine).
Le lendemain de l'introduction de la Confrérie des Pénitents bleus à Chassiers, ils firent le service de la chapelle de Saint Benoit de Chassiers. Les confrères furent les seigneurs de Laugières, de Malarce, de Lavernade et de Larnas, le prieur de Ribes, Guillaume de Chalendar de la Motte et ses enfants (Pierre, Antoyne, Jean et Olivier), son frère le Commandeur, ...
A l'issue de la messe, le seigneur de Lauguères fut élu Recteur, supplée par le Commandeur ; Anthoyne de Lamote fut nommé sacristain (il est alors Prieur d'Assions). Il y aurait un receveur afin de percevoir l'impôt nécessaire à l'entretien : 5 sols par an pour les pauvres, 2 testons par an pour les plus aisés.

05-01-1585
Retour de noces de son fils Pierre et de la femme de celui-ci, Loyse du Roure
Le 5è de janvier 1585, demoyselle Loyse du Roure, fille du seigneur baron du Roure et de Grisac, après avoir espousé mon fils Pierre de La Motte, a esté conduite céan à la maison de Lamote, et en son nouveau mesnaige par une grande et honorable compagnie entre lesquels étaient :
Messieurs ses oncles, seigneurs des Vans et de St Privat, viscomte des Portes et de Morangies, de Brésis, de Chambonas, de Lambrandes, de Montbrun.
Messieurs de Rozilhes, de Laugières, de Montréal, de Chaussy, de Ville et autres plusieurs notables personnages.
parents et alliés de sa famille et de la nôtre qui furent reçus avec le meilleur traitement qu'on se put aviser.

Les jeunes mariés ne partaient pas, comme de nos jours, en voyage de noces. Ils restaient, plus ou moins longtemps, dans la famille de la femme. Puis avait lieu le retour de noces, auquel faisait cortège une longue suite de parents et d'amis. Cela donnait lieu à des réception et à des fêtes.
Ainsi, en ce jour, les nouveaux mariés se sont installés à la maison des Lamotte.

08-02-1585
Départ de son fils Pierre aux Etats du Languedoc
Le 8 II 1585, Vinezac mon fils partit de céan en la compagnie du sieur de Faïn pour allez aux Etats du Languedoc assignés au vingtième dudit mois à Carcasonne, et estant arrivés au Puy trouvarent par advis qu'ils ne pourraient passer plus oultre, causant la guerre et grandes neiges, et après avoir faict  sommayre prinse des dangers, dépescharent ung homme aux seigrs des Etats et à Monseigneur le Maréchal de Joyeuse pour les excuser et s'en revinrent avec grands dangers et difficultés.
Pierre, son fils aîné, avait obtenu la suppléance de la charge de syndic des Etats du Languedoc. Il devait donc se rendre chaque année à la place de son père dans les différentes villes où les Etats étaient tenus tour à tour. Mais les troubles étaient si profonds et les chemins si peu sûrs qu'il ne pouvait pas toujours se rendre à destination.

27-08-1585
Maladie de Guillaume
Le 27 VIII, j'ai baillé à M. le médecin d'Albenas pour dix jours qu'il avait vaqué céans ou pour son retour en Albenas, pour me secourir en certaynes maladie qui m'estaoit arrivée.
A le Breton, apoticaire dudit Albenas, pour ses drogues, médicaments ou services qu'il m'avait faict, ay baillé la somme de 12 écus et 1/3.

12-09-1585
Fortification de la maison
Le 12 de septembre 1585, faict faire un fossé au devant de ma première porte de ma maison de La Motte, tant pour fouyr aux inconvénients du pétard que pour résister aux séditions qui se sont eslevées en ce royaume.
Du fait des attaques de bandes de bandits armés, les maisons étaient fortifiées et soigneusement gardées.

21-10-1585
Le 21 X 1585, Noël de Lamote, mon fils, est parti de notre maison de Lamote pour s'en aller en Cour continuer le service qu'il a voué à Monseigneur le Cardinal de Joyeuse.
Noël, le second fils de Guillaume, ayant terminé ses études de théologie à Paris, fut admis dans la maison du Cardinal de Joyeuse, archevêque de Narbonne et conseiller du Roi Henri III. Tout annonçait une brillante carrière pour ce jeune ecclésiastique , qui fut interrompue par une mort prématurée.

1586
Famine, guerre, chèreté et mortalité
L'an 1586, la famine, cherté, guerre et mortalitéont esté si grandes en de pays de Vivarais, que le blé est revenu le sestier à savoir, le froment à 12 livres et plus, le seigle à 11 et plus et l'orge à 9 1/2 et jusqu'à 10 et l'avoyne le commun prix le sestier à 4 livres 12 sols et plus, et moy même en plein marché l'ay vendu 5 livres rabattu 1 sol; la mortalité si grande que journellement en cette paroisse et cimetière l'on enterrait de paouvres corps aulcunes fois le jour 4, 5, 6, 7, 8 et 9 corps : et presque toutes les mains dudit lieu et paroysse malades, le tout provenant de l'ire de Dieu pour nos péchés et les cruautés, pilheries et rançonneries et faicts respectivement par les gens de guerre, et pour les grandes et inouyes usures commises principalement parles gens de guerre, et pour les grandes etinouves usures faicts respectivement par les gens des villes, et par les gens (????) .
Dieu aye pitié par sa grâce et sa miséricorde de son peuple !
Le apin duquel usait le paouvre peuple estait composé de racines de feugier, raques des raisins, des sarments de vignes, d'olives et escorces des noix et amandes et autres semblables, payssant les herbes comme paouvres bestes brutes. En sorte qu'on peult dire à bon droict que ce a esté une année de merveilles.

La mortalité était si importante que 4 à 8 enterrements avaient lieu par jour pour la seule paroisse de Chassiers. Presque tous les habitants étaient malades. Cela était imputé à la colère de Dieu due aux péchés, cruautés, pillages et demandes de rançons.
La famine était telle que le peuple se nourissait de racines de figuier, de sarments de vigne, d'olives, d'écorces de noix et d'amandes. Il broutait l'herbe comme des animaux.
Les denrées sont hors de prix : 12 livres pour un sétier de froment, 11 pour le seigle, 10 pour l'orge, 4 livres et 12 sols pour l'avoine.

11-02-1586
Prise d'Aubenas par les catholiques
Le onze II 1586, la ville d'Albenas fut prinse et saysie par les gentilshommes et soldats catholiques dudit pays sans alcuns estrangiers - estant Chef de l'entreprinse le seigneur de Sanilhac fils au Seigneur de Montréal qui commandait au bas pays de Vivarais en l'absence de M. de Tournon pour le Roy. Ladite ville fut prinse par un boudin où pouveyt avoir deux quintals poudre, lequelle fit tel effect qu'abattit trois maisons. Le nombre de soldats pouvoyt réunir environ 700 harquebusiers. Elle fut pilhée et plusieurs prisonniers prins, et environ une vingtaine des habitants tués, une partie et la plus grande se précipitarent par dessus les murhailles, qui se tuarent et les autres blessés à la mort.

13-11-1586
Arrangement du mariage de sa fille Anne avec François de la Baume, seigneur d'Uzer
Le 13è de novembre 1586, suis esté à Uzer en la compaignie de Messieurs de Laugières de Vallon et aultres notaibles personnaiges, où fut résolu et arresté le mariage entre le seigneur d'Uzer et ma fille Anne de Lamote, par parole de futur, à laquelle j'ai promis de luy constituer dot jusqu'à la somme de 1 000 écus, outre la somme de 100 escus que je lui ay promis pour estre employés en habillements et 50, mon frère, et en avons signé certains pactes en forme de mémoyre, jusqu'à ce qu'ayons prins jour pour le réduire en forme publique.
François de la Baume est veuf. Sa première épouse était Françoise de Beaumont.

05-12-1586
20-12-1586
Mariage civil et religieux de sa fille Anne avec François de la Baume, seigneur d'Uzer
Le 5 XII 1586, fust éscrit et récité ledit mariage receu par Me Claude Taranget, notaire royal du lieu de Tauriers, et le vingtiesme du mois de décembre du mois susdit furent espousés en l'église de St Benoit de Chassiers, par mon frère Claude de Lamote, Prieur de la Baume, sur les 11 heures du soir pour fouyr aux charmes qu'aulcuns ou aulcunes s'étaient préparés faire.
On assiste toujours aux mêmes précautions à l'égard des jeteurs de sort qui avaient préparé leurs maléfices.

07-01-1587
Baptème de sa petite-fille, Catherine, fille de Pierre
Le 7è de janvier 1587, fut baptisée catherine de Lamote, en l'église de St Benoit de Chassiers, par mon frère Claude de Lamote, laquelle fut portée à baptême par noble Guillaume de Balazuc, seigneur de Sanilhac, au nom et procureur du seigneur baron du Roure de Grisac et de demoyselle Catherine de Ponhet, ma femme, où assisté une belle et grande compagnie.
Pierre ne laissa pas d'héritier mâle. Son fils aîné, Antoine, était entré dans les ordres. Son second fils, Jacques Noël, né le 24 XI 1589, était décédé quelque jours plus tard. Il eut deux filles, Catherine et Claude.
Catherine épousera Anne de Hautvillard, en 1606, puis, en secondes noce, M. de la Place.
Claude épousera Louis de Charbonnel, qui aura un grand rôle militaire pendant les guerres de religion.

21-01-1587
Le 21 I 1587, mon fils Noël de Lamote m'écrivist que le Roi lui avait donné la presvôté de Brioude en Auvergne, estant de sa présentation. Et à ces fins m'envoya provision pour y commettre un économe et régler les fruits sous la main de Sa Majesté.

26-03-1587
Le 26 III 1586, j'ai baillé à Claude Léautier dit le Tondu, à Guillaume du Pu, à Claude Cour, à chascun 40 sols le service qu'avaient faict à la garde de céans pendant ce caresme.
Les attaques de bandits ont toujours lieu, de sorte que les maisons sont gardées.

20-10-1588
Départ de son fils Pierre aux Etats du Languedoc
Le 20è d'octobre 1588, mon fils Vinezac ayant reçu le mandement des Etats généraux du Languedoc convoqués à Limoux, le 1er novembre partit pour s'y acheminer avec le sieur de Faïn syndic du Vivarais, prenant la route du Puy pour y joindre monsieur le juge mage qui s'y en allait aussi. Estant arrivés à Rhodez après avoir faict de chemin au double plus que de l'ordinaire pour éviter les dangiers d'icelui, trouvant qu'ils ne pouvaient passer plus oultre tant à l'occasion des voleurs qui courent et ravagent tout ce pays que pour raison de la contagion qui le tient presque tout s'en retournarent de là après avoir faict une bonne despêche pour leur descharge à messieurs des Etats assemblés au lieu que dessus par porteur exprès qui leur à promis de revenir au plut tôt rapporter réponse. J'avais baillé à mondit fils pour faire son voyage 60 escus sol.

Pierre, son fils aîné, avait obtenu la suppléance de la charge de syndic des Etats du Languedoc. Il devait donc se rendre chaque année à la place de son père dans les différentes villes où les Etats étaient tenus tour à tour. Mais les troubles étaient si profonds et les chemins si peu sûrs qu'il ne pouvait pas toujours se rendre à destination.

20-11-1588
Décès de son fils Noël
Le Cardinal de Joyeuse fut envoyé à Rome par Henri III pour défendre les intérêts des églises de France. Noël le suivit dans cette mission.
L'an 1588, Noël de Lamote, mon second fils, pronotaire du St Siège apostolique et Prieur de Sablières et de St Pons, estant à Rome au service de Monseigneur le Cardinal de Joyeuse Protecteur de France, s'y trouvant tout mal disposé print résolution de s'en retourner en ce pays. Et à ses fins, ayant obtenu congé de Monseigneur le Cardinal son maitre (lequel le lui octroya pour le voyr mal porter en Italie) partit de Rome le 18 octobre, jour de St-Luc, en la compagnie de sa grandeur, laquelle s''acheminant pour quelque voeu vers N.D. de Lorette où mon fils eut cet honneur de l'accompagner ; et de là lui ayant baisé les mains passa oultre accompaigné seulement d'un serviteur nommé Mre François Roze, du palais de Monseigneur le Cardinal. Etant arrivé à Lion le 17è de novembre, au logis de la Pomme Rouge, il délibéra de s'y reposer quelques jours pour prendre nouvelles forces et de là se faire porter au Puy dans une litière. Mais se trouvant toujours plus mal, il se résolut de faire autre voyage, et après avoyr faict appeler les médecins spirituels et temporel et faict tous les actes d'un bon et vrai chrétien et catholique, le dimanche, vingtième du mois, il rendit l'esprit à son Dieu, sur les sept heures du soir, en l'eage de 35 ans, II mois et  jours, autant constamment qu'il est possible à l'homme de faire. Le lendemain vingt et unième, son corps fut porté en l'église St Pol près du Logis de la Pomme Rouge, et illec après les cérémonies accoustumées en notre Ste Mère l'Eglise, honorablement inhumé, et ses funérailles faites ainsi qu'il appartenait. Ce faist on fit faire inventaire de ce peu de hardes et papiers qu'il avoyt, présents en ce bon nombre de gentilshommes logés au même logis qui l'assistèrent en son décès. Après lequel Mre François Roze, en leur présence, tira de la manche de feu mon fils sa bourse, fust trouvé 99 escus d'Italie, lesquels furent employés tant pour payer ses funérailles que pour satisfaire son hoste, médecins, et gaiges dudit serviteur.

Dans l'invetaire qui fut fait de ces divers objets, François Roze communiqua une provision du Prieuré de St Julien en Dauphiné dont Noël devait prendre possession dès son retour, en même temps qu'un titre signé en Cour de Rome pour attribuer à Jean, son frère,  le Prieuré de Sablières.
Un message fut expédié en toute hâte pour apporter ces nouvelles à la famille. Il arriva à la Motte le 27 novembre.

28-11-1588
Agression de Miailhe, le serviteur de Guillaume
Après avoir reçu le message lui apprenant le décès de son fils Noël, Guillaume dut s'occuper immédiatement de ses affaires.
Je despechai Miailhe deux heures après la minuit au Bourg devers le sieur Fain, syndic de Viviers, pour lui faire entendre le malheur qui m'estait survenu et le prier de se transporter incontinent en personne devant Monseigneur l'evêque de Viviers pour le prier de conférer le bénéfice de Sablières à Jean, mon 4è fils, et despecher en diligence en Avignon pour le faict du prioré de St Pons, ayant baillé à Mialhe toutes les pièces nécessaires pour la poursuite de ces affaires et 10 escus au soleil pour fournir aux despêches et ung escu pour sa despence.

Mais le malheur fut tel pour lui et pour moi qu'il fut prins au bois de Montcharnier par cinq ou six voleurs de Vallon commandés par le sergent d'Arcus conduisant un ministre nommé Railhet de la prétendue religion à Villeneuve, tous ses papiers, veux, son argent vollé et lui bien près d'estre tué sans la faveur du ministre qui lui fist donner la vie si bien qu'il ne peult passer oultre, et heust beaucoup à faire pour se rendre à sa maison où il arriva au soyr, presque troublé de son entendement et me rendit mes lettres toutes ouvertes, par la grâce de Dieu ne s'en estant perdue aulcune qui concernaient les affayres.
Miailhe en fut donc quitte pour la peur. Mais, n'est-il pas vraiment original de voir un ministre protestant se faire escorter par une bande de brigands et assister à leurs méfaits ?
Guillaume prit immédiatement d'autres mesures pour faire parvenir son message par une voie plus sûre, et y parvint cette fois.

13-02-1591
Son fils Pierre est accusé de détournement de fonds
Le 13è de février 1591, j'envoyai Miailhe à monsieur le Conseiller Roux, mon neveu, pour lui apporter une procuration au nom de mon fils de Vinezac, syndic de Languedoc, pour se présenter en son lieu aux Etats généraux mandés à Montaignac au 15è du mois. Et ay escrit à Monseigneur de Montmorency pour le supplier très humblement de m'excuser si, causant mon âge et indisposition, je n'ai pu m'y acheminer, et de même mon fils à raison de sa maladie et de l'imposture qu'on lui a mis sus touchant la volerie de Montcharnier et ay escript audit sieur Conseiller de présenter requeste au nom de mon fils à mondit seigneur pour avoyr juges pour se purger de ce ceste de calomnie, auquel sr conseiller j'ay envoyé bons et amples mémoyres tant pour ce qui touche le général des affaires qui concernent ma charge, que pour les miens particuliers qu'il aura à débattre avec mondit seigneur, lesquels j'ay accompagnés de plusieurs aultres lettres pressantes à de miens amis particuliers pour les supplier de m'y faire faveur, insistant toujours sur le point d'avoyr juges sur ladite calomnie.
Il s'est passé un fait grave, un détournement de fonds sur lequel nous n'avons aucun détail, mais qui fut la cause d'une accusation contre Pierre, syndic du Languedoc en suppléance de son père. La solution de cette désagréable affaire ne nous est pas connue. Comme il n'en fut plus question, il est certain que Pierre fit reconnaître son innocence. Mais l'ennui qu'il avait éprouvé et l'ébranlement de sa santé le portèrent à donner sa démission de Syndic.

16-07-1592
Son cinquième fils, Olivier, embrasse la carrière militaire
Olivier, le plus jeune des enfants de Guillaume, fit ses études à Avignon au Collège des Frères Jésuites. Selon la règle alors instituée chez ces religieux, le collège ne recevait pas d'internes, et les écoliers étaient logés et nourris dans la ville, chez des particuliers. Olivier était pensionnaire chez M. Gilles Tailhand. Ses études terminées, il embrassa la carrière militaire.
L'an 1592 et le 16è de juilhet, Monsieur de Montréal, Gouverneur du pays de Vivarais pour la partie de l'église, se disposant d'aller trouver Monseigneur de Nemours avec une bonne troupe de soldats du Vivarais, composée de 5 à 600 hommes de pieds et 50 maistres à cheval, suivant le commandement qu'il en avait reçu de Son Excellence, et voulant faire cet honneur à Olivier de La Mote, de l'emmener quant et luy, je luy ay achepté ung cheval pour commencer de le mettre en équipage de guerre, de me le maistre greffier des Etats du pays de Vivarais, au prix de 100 escus sol, ayant pleu au sieur de Montréal de lui en donner 50 et moy ayant faict les autres 50. Dieu fasse la grâce à mon fils d'employer ce cheval à son honneur et gloire, à la manutention et défense de la sainte église apostolique et romaine, et au service particulier de Monseigneur de Montréal.

19-09-1592
Son troisième fils, Jean, reçoit la suppléance de la charge de Syndic du Languedoc
Le 19è de septembre 1592, ayant reçu le mandement des Etats généraux du Languedoc, convoqués par commission du Roi en la ville de Montaignac au 1er jour du mois d'octobre, je suis parti de ma maison de Largentière pour aller aux Etats généraux ayant quant  et moi mon fils Jean, Prieur de Sablières portant pour faire partie de ma despence, allant à trois chevaulx environ 80 écus valant douze-vingt livres.
Et d'aultant qu'à cause de mon âge et de mes vieux ans approchant de 80, je ne pouvais plus exercer l'office de Syndic Général de Languedoc en la sénéchaussée de Beaucaire et Nisme et que mon fils aîné, Pierre de Lamote qui en avait été par cy devant pourvu se trouvait la plupart du temps indisposé et par conséquent impropre à l'exercice d'icelui, j'aurais advysé du consentement même de mon fils aîné qui m'en aurait plusieurs fois sollicité et même fait procurations à ces fins, de supplier Messieurs les Etats de recevoir en notre lieu et place, en considération de nos longs et fidèles services, Jean de Lamote, mon troisième fils, lors Prieur de Sablières, pour exercer ledit office et en joyr à mêsmes advantages et dignités dont nous aurions par cy devant jouy. Ce que par Messieurs des Etats, après meure délibération, nous aurait été accordé et mon fils receu à mêmes conditions que jadis avait été Pierre de Lamote, son frère aisné, et lettres sur ce d'office lui auraient esté, du commandement de Messeigneurs, despêchés et signées par monsieur l'evêque de Montpellier, président lors auxdits Etats et Guilleminet, greffier desdits Etats, en date du 10è d'octobre 1592.

Du fait de son grand âge, Guillaume n'est plus capable d'assurer sa charge de Syndic du Languedoc. Son fils aîné, Pierre, en reçut donc la suppléance. Suite à l'accusation de détournement de fonds, et également du fait de sa mauvaise santé, Pierre démissionna de cette suppléance.
Jean, le troisième fils de Guillaume, était alors Prieur de Sablières, en remplacement de son frère Noël, décédé ; il n'était néanmoins pas encore entré dans les ordres. Il repris donc la suppléance de la charge de Syndic du Languedoc.
Jean acheta alors une maison à Largentière pour s'y établir. Cette maison, située près de l'église, était située en face de celle de son père, Guillaume. Elle fit l'objet de deux actes d'acquisition, parce qu'une partie appartenait à Guillaume du Four, habitant de Largentière, et l'autre à Mre Chauzon, prieur de la même ville.
Le 16 août 1598, Jean épousa Jeanne de la Baume. Ce fut par lui que se conserva le nom de la famille.
Annet, son fils aîné, fut Président et Juge Mage à Valence après avoir été, lui aussi, syndic du Languedoc. Très estimé de ses contemporains, il joua un rôle assez important et laissa un Livre de Raison.

29-01-1594
Son quatrième fils, Antoine, reçoit le prieuré de Sablières
Ensuite de quoy Antoine partit de Largentière, le 29è dudit mois pour aller à Sablières prendre possession de son nouveau Prieuré, en la compagnie de mon fils de Vinezac, son frère aisné, et Messire Claude Court, presbtre du lieu de Chassiers où il célébra la grand Messe le dimanche 30è du mois. Dieu lui fasse la grâce de s'acquitter de cette charge si dignement que son honneur et gloire en soient augmentés et son église toujours de mieux en mieux édifiée.

Pierre ayant démissionné de la suppléance de Syndic des Etats, son frère Jean, qui était alors Prieur de Sablières, reprit cette charge. De ce fait, leur frère Antoine, qui était entré dans les ordres et était pourvu du Prieuré d'Assions, repris le Prieuré de Sablières.

04-09-1595
Son fils Olivier se rend au service de M. de Lavernade
Le 4è septembre 1495, mon fils Jean, syndic de Languedoc, partit en compagnie de monssieur le Marquis de Maubec, comte de Montlor, pour allez et trouver le Roi à Lion, emmenant quant et soy Olivier de Lamote, son quatrième frère, pour de là le faire passer en Picardie vers Monsieur de Lavernade, seigneur d'Espagny, suyvant les lettres qu'il nous nous en avoyt plusieurs fois escript, par lesquelles il nous mandait de le lui envoyer et nous assurer qu'il lui ferait du bien, voyres même s'il plaisait à Dieu de l'appeler avant qu'Olivier mon fils, se fust rendu près de luy, qu'il nous priait de croire et lui assurer qu'il lui laisserait de quoi vivre. Ensuite de quoy mon fils Olivier ayant séjourné quelques jours à Lion pour voir la Cour, partit le 23è dudit moys de septembre pour prendre la route de Picardie (étant parti ung jour advant Sa Majesté) accompagné seulement de Miailhe, qui avait esté trois ou quatre fois vers le seigneur de Lavernade. Mon fils, le Syndic, lui bailla ung cheval et l'ayant équipé de tout ce qu'il avait besoin et donner moyen de faire porter ses hardes, il lui délivra en partant 50 escus tout en or, doubles ducats ou testons pour faire son voyage, outre ce qu'il espérait de tirer de son cheval lorsque Dieu lui ferait la grâce d'arriver. Nous escripvimes fort amplement par lui à Monsieur et Madlle de Lavernade, et mon fils le Syndic fist les dépêches à Lion sur les blancs signés que nous lui avions baillé.
Dieu le veuille conduire et lui faire la grâce de se pouvoir rendre digne de l'amitié dudit seigneur et damoyselle de Lavernade et leur faire très agréable service, comme très obligé qu'il en est et nous tous.


28-10-1597
Fin du Livre de Raison, sur un article de paiement de gages à Pierre Baume.
Guillaume avait alors 84 ans sonnés, et la dernière maladie dut arrêter sa plume.


Pour  une maison comme celle de la Motte, il fallait faire de larges provisions. On n'avait pas, comme de nos jours, dans le moindre village, des épiciers et des marchands pour achats journaliers. Relevons quelques notes des emplettes, qui nous donneront le prix des denrées, dont il fallait se pourvoir souvent à des foires lointaines.
    J'ai acheté à Joyeuse une charge d'huile pesant 3 quintals 36 livres à raison de 10 francs et dimy le quintal 35 livres.
    J'ay achepté de Laurent, bouchier de Chasiers, 2 quintals et 6 livres suif à faire chandelles, à 2 carolus la livre.
    J'ai achepté 3 quintals fromaige, dont y en avait ung d'uvergne, montant à 18 livres le quintal - 18 écus.
    J'ay achepté 3 porceaux gras au lieu de Chassiers pour le prix de 15 écus 10 sols.
    J'ay achepté une vache grassse ayant pesé 4 quintals 12 livres, de laquelle j'ay payé 20 livres, 2 sols, 6 deniers.


Chaque année, on se fournit à l'avance d'aliments maigres pour la carême.
C'était à la foire de Montferrand qu'on faisait ces emplettes.
En 1586, ce fut au marchand de Largentière, nommé Barbefine, qui fut chargé d'apporter ces provisions dont le détail suit.
    Espèces de ladite provision :
    Merlus : 15 à 20 sols la pièce
    Merlussas : 30 pesant 72 livres à 2 sols et 1 liart la livre
    Saumons : 4 pesant 26 livres, à 6 sols la livre
    Harents blancs : 150 à 3 francs le cent
    Harents saurs : 300 à 52 sols le cent
    Trippes de mollue : 6 livres 1/2 à 6 sols la livre
    Marsouin : 11 livres 1/2 à 7 sols la livre
    pain de sucre fin pesant 6 livres à 21 sols 1/2 la livre
    cannelle, girofle et muscade : demi livre de chascun
    Et pour le port de tout le dessus : payé 2 écus.






mise à jour le 06 septembre 2003
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source principale :  La grande majorité des renseignements  sur la famille de Chalendar provient d'un manuscrit familial, dont l'auteur a souhaité rester dans l'anonymat. Lorsqu'il n'est pas précisé  d'autre source, les données proviennent de ce manuscrit.
En reprenant ces renseignements, j'ai souhaité  permettre  aux Chalendar, ou à leurs descendants,  d'accéder  à cette précieuse source d'information sur leurs ancêtres.  J'espère  ne pas avoir commis d'impair, et m'en excuse profondément si tel est le cas.